Mobilisation des recettes intérieures en Guinée – le Président Alpha Condé et son Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana misent sur la MAMRI
Pour porter le ratio recettes intérieures / PIB à 20 % d’ici trois ans, l’exécutif guinéen fait monter en puissance la Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Internes (MAMRI). Ce dispositif institutionnel inédit va permettre d’appuyer et accélérer toutes les initiatives de modernisation des administrations économiques et financières pour exploiter à plein le potentiel de recettes intérieures du pays.
Un potentiel de mobilisation des recettes intérieures largement sous-exploité
En 2020, le ratio recettes fiscales + recettes douanières + recettes non fiscales (hors dons et emprunts) / PIB s’est élevé en Guinée à 13 % (contre 13,5 en 2019 et 14 % en 2018). Ce ratio est inférieur de 2 points au niveau considéré par l’OCDE comme minimum pour qu’un Etat puisse financer ses missions de base (15 %). il est inférieur de 7 points au ratio de 20 % recommandé par la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement. Il est beaucoup plus faible que celui de 18 % enregistré en moyenne dans les pays de l’Afrique subsaharienne.
Alors que le PIB de la Guinée a connu une croissance significative et continue ces dernières années (encore 5,2 % en 2020 malgré la pandémie de la Covid-19), les recettes rentrent mal et ce quelles que soient la nature de ces recettes ou l’administration en charge de leur recouvrement. À titre d’illustration, la Banque mondiale a récemment estimé que le potentiel additionnel de collecte de la seule TVA (à l’importation et domestique) s’élevait au minimum à 5 points de PIB…
Les causes de cette collecte insuffisante sont moins la qualité de la législation en vigueur, même s’il est toujours possible de l’améliorer, que ses modalités d’application concrètes et le niveau de maîtrise du tissu fiscal : en clair, trop peu d’entreprises et de particuliers paient au Trésor public les impôts, taxes ou redevances qu’ils devraient normalement acquitter.
Le gouvernement sur le pied de guerre pour relever le défi
Pour Ibrahima Kassory Fofana, le Premier ministre guinéen, l’objectif est clair : « il s’agit de porter d’ici trois ans le niveau des recettes intérieures à 20 points de PIB minimum et de promouvoir en parallèle « la bonne dépense ». L’enjeu est de parvenir à financer dans la durée les infrastructures et les services publics de base dont les Guinéens ont besoin, tout en réduisant la dépendance aux dons extérieurs et en limitant le recours à l’endettement public. »
Les nouvelles marges de manœuvre budgétaires ainsi dégagées devront particulièrement profiter aux populations les plus vulnérables en permettant notamment de pérenniser et d’intensifier les activités de soutien mises en œuvre par l’ANIES, l’Agence Nationale d’Inclusion Economique et Sociale, qu’il s’agisse des transferts monétaires ou encore des projets d’inclusion productive, dans l’énergie et l’agriculture en particulier.
En ce début de nouvelle mandature, pas de place pour les demi-mesures. Dans la foulée des grandes orientations fixées par le Président Alpha Condé, pour « gouverner autrement », le Premier Ministre entend tout à la fois moderniser le cadre de gouvernance économique et financière de la Guinée, transformer les administrations fiscales et autres régies financières publiques en administrations de service, donner un grand coup d’accélérateur à l’élargissement de l’assiette fiscale et conduire un combat déterminé contre la fraude et l’évasion fiscales et contre la corruption. Autant de chantiers incontournables pour créer un environnement favorable au développement du secteur privé guinéen, améliorer le civisme fiscal chez les entreprises et les particuliers et générer en retour une meilleure collecte des recettes publiques.
Les managers et les agents publics des administrations financières de l’Etat seront placés au cœur de la dynamique de réforme : les exigences à leur égard seront fortement accrues mais il est prévu en contrepartie qu’ils bénéficient de moyens d’action renforcés et d’un cadre de travail et d’évolution professionnelle beaucoup plus motivant qu’il ne l’est aujourd’hui.
La MAMRI, vecteur central de tous les changements à venir
Pour concrétiser cette ambition, il y avait besoin d’un dispositif institutionnel solide capable d’orienter, de coordonner et d’appuyer tous les acteurs parties prenantes à la mobilisation des recettes intérieures, que ces acteurs soient publics ou privés, nationaux ou internationaux. Ce dispositif est la MAMRI, la Mission d’Appui à la Mobilisation des Ressources Internes, créée en 2019 par décret présidentiel. À elle la responsabilité d’organiser et d’animer les synergies, d’accélérer et d’amplifier l’effort de modernisation et de mettre sous contrôle les résultats à produire.
La MAMRI est en premier lieu une instance décisionnelle gouvernementale dédiée à la mobilisation des recettes intérieures : à ce titre, un Comité de Pilotage présidé par le Premier Ministre et impliquant les principaux ministres concernés (Economie et Finances, Budget, Plan et Développement économique, Mines et géologie…) va impulser, valider et piloter au plus haut niveau les réformes nécessaires dans ce domaine. Les partenaires techniques et financiers actifs en Guinée dans le champ de la MAMRI seront invités aux séances de ce Comité en tant qu’observateurs.
La MAMRI est ensuite et en même temps un mécanisme de coordination entre les différentes administrations car la plupart des problématiques à traiter pour la mobilisation des recettes intérieures dépassent le champ des attributions de tel ou tel ministère, de telle ou telle direction centrale ou régie financière. Il en est ainsi par exemple de l’élargissement de l’assiette fiscale, de la lutte contre la fraude, de la maîtrise des dépenses fiscales, du recouvrement des arriérés fiscaux, de la digitalisation des processus, de la motivation des agents publics… Le Cadre de Dialogue et de Concertation prévu dans le cadre de la MAMRI comprend entres autres des points focaux dans les principaux ministères concernés (nommés par leur chef de département) ainsi que les directeurs des grandes régies financières de l’Etat (Impôts, Douane, Trésor notamment).
Enfin, la MAMRI est une structure technique d’appui à la dynamique de réforme, directement rattachée à la Primature. Placée sous la responsabilité d’un Coordinateur général, Ansoumane Camara, par ailleurs Conseiller spécial du Premier Ministre pour l’Economie, les Finances et le Budget, cette administration de mission est composée d’une quinzaine de cadres guinéens de haut niveau et constitue la cheville ouvrière de la préparation des dossiers à soumettre au Comité de Pilotage puis du suivi continu de la mise en œuvre des décisions prises et des résultats obtenus.
Une stratégie de déploiement en trois temps, une année 2021 à tous égards décisive
D’ici la fin du premier semestre 2021, la MAMRI concentrera son action sur deux priorités.
D’une part, il s’agira de faire en sorte que les actions pertinentes de modernisation déjà engagées ou programmées ici ou là s’articulent entre elles, soient complètement mises en œuvre et débouchent sur des résultats tangibles. Ces actions seront donc appuyées par la MAMRI sur un plan à la fois politique, technique et financier mais elles seront aussi complétées, approfondies ou prolongées par le lancement d’initiatives ciblées préparées ces derniers mois par les cadres de la structure d’appui MAMRI, concernant par exemple l’élargissement de l’assiette fiscale, le recouvrement des arriérés fiscaux, la rationalisation des exonérations fiscales et douanières ou encore la digitalisation des processus de gestion fiscale autour du logiciel e-tax dont le déploiement a été récemment amorcé à la Direction Nationale des Impôts.
D’autre part, il s’agira dans le même temps de préparer l’émergence d’une nouvelle génération de réformes à travers la réalisation d’une série d’études structurantes couvrant toutes les problématiques de la mobilisation des recettes intérieures et tous les déterminants de la performance dans ce domaine.
Une première étude portant sur le système de financement des collectivités locales et la mobilisation des recettes locales a déjà été réalisée au second semestre 2020. Une évaluation TADAT de la performance du système guinéen d’administration fiscale est programmée pour février-mars 2021 (voir encadré ci-dessous). Des commissions de passation de marchés examinent ces jours-ci les propositions technico-financières adressées par des cabinets internationaux à trois appels d’offres lancés l’automne dernier par la MAMRI, sur le modèle technique d’administration des recettes intérieures, sur la contribution du secteur minier à la mobilisation des recettes intérieures et sur la définition d’une cible et d’une stratégie de modernisation digitale dans le champ des recettes intérieures. Ces trois études sont intégralement financées par le budget national. D’autres études sont envisagées pour les mois qui viennent, concernant notamment les politiques financières de l’Etat et l’organisation politico-administrative de l’Etat dans le champ d’action Economie et Finances.
Second temps fort, autour de juin/juillet 2021 et à partir des points de sortie de ces études, la structure technique d’appui MAMRI travaillera avec les ministères, les régies et les administrations, les équipes internationales d’assistance technique et les représentants des secteurs privés et publics et la société civile pour définir et formuler, dans le cadre des orientations données par le gouvernement, la stratégie nationale pluriannuelle de mobilisation des ressources internes, portefeuille de projets inclus, qui sera examinée et validée par le Comité de pilotage de la MAMRI.
Enfin, troisième temps fort, l’automne 2021 marquera l’entrée de la MAMRI dans sa phase de pleine vitesse avec, de façon progressive, l’opérationnalisation technique et financière puis le lancement des projets de réforme inscrits au portefeuille.
L’évaluation TADAT du système guinéen d’administration fiscale
Le « Tax Administration Diagnostic Assessment Tool » ou « TADAT » est une méthodologie permettant de réaliser une évaluation standardisée des forces et faiblesses d’un système d’administration fiscale par rapport aux bonnes pratiques internationales.
Neuf domaines fondamentaux sont passés au crible par les experts TADAT : par exemple, la qualité du registre des contribuables, la promotion du civisme fiscal, la gestion efficiente des recettes ou le paiement des impôts dans les délais. Les notes attribuées dépendent des éléments de preuve qui sont remis aux experts par l’administration fiscale évaluée.
Placée sous pilotage stratégique de la MAMRI, la démarche d’évaluation TADAT en Guinée est cofinancée par le budget national et un pool de bailleurs internationaux.
La démarche a débuté lundi 4 janvier 2021 par le lancement, dans les locaux de la MAMRI, à Conakry, d’un parcours de formation en visioconférence destiné à familiariser à l’exercice TADAT vingt hauts cadres de la Direction Nationale des Impôts, deux magistrats de la Cour des Comptes et deux inspecteurs de l’Inspection Générale des Finances. Ce parcours se poursuivra jusqu’au 19 janvier 2021, toujours dans les locaux de la MAMRI, avec des modules quotidiens d’1 heure à 1 heure 30. Un test de certification des participants est prévu le 25 janvier 2021.
L’équipe d’experts mobilisée par le Secrétariat TADAT se déplacera ensuite en Guinée pour réaliser l’évaluation du système d’administration fiscale. Le rapport d’évaluation provisoire sera remis fin février 2021 et le rapport définitif mi-avril 2021, pour présentation devant le Comité de pilotage de la MAMRI. Les résultats qui en découleront contribueront, aux côtés des recommandations issues des autres études structurantes, à alimenter les réformes à venir dans le cadre de la dynamique MAMRI.
Des partenaires techniques et financiers pleinement acteurs du dispositif MAMRI
Les partenaires internationaux de la Guinée sont d’ores et déjà à pied d’œuvre pour contribuer à concrétiser, dans le cadre de la MAMRI, les ambitions du gouvernement en matière de mobilisation des recettes intérieures.
Expertise France a accompagné, sur financement de l’Agence Française de Développement (AFD), l’organisation du dispositif MAMRI et le démarrage des activités, entre autres la réalisation de l’étude sur le système de financement des collectivités locales. Le FMI, l’Union Européenne, la Banque Mondiale, la Banque Africaine de développement et Expertise France appuient l’évaluation TADAT. La Banque Africaine de Développement (BAD) financera les évolutions à venir du modèle technique d’administration des recettes ainsi que l’implémentation du futur schéma directeur de modernisation digitale. Les Emirats Arabes Unis apporteront leur contribution financière au chantier de la digitalisation. Par ailleurs, l’Agence Française de Développement, Expertise France et l’Union Européenne ont exprimé leur volonté d’intensifier leur contribution au travers du financement de nouveaux projets à conduire dans le cadre MAMRI.
De fait, la MAMRI constitue une opportunité pour les partenaires internationaux de la Guinée. Le dispositif va apporter une impulsion et un soutien politiques renforcés aux projets actuellement appuyés par ces partenaires. Il va générer une nouvelle et ambitieuse génération de réformes dans laquelle ces partenaires pourront s’inscrire de façon cohérente et complémentaire. Il offre un cadre de gouvernance interministériel et inter-administrations permettant de sécuriser la réussite de ces réformes et par là même de garantir la pertinence, l’efficacité, l’efficience et la durabilité des futurs appuis financiers et techniques qui seront déployés par les partenaires.