Des progrès sont faits vers la scolarisation de tous – définie par les Nations unies comme l’achèvement du cycle d’études primaires. Selon les statistiques de l’Unesco, 16 pays affichent de bons résultats, même si plus de la moitié des 59 millions d’enfants non inscrits à l’école dans le monde vivent toujours au sud du Sahara.
« Assurer l’éducation primaire pour tous », tel était le deuxième Objectif du millénaire pour le développement (OMD), devenu l’Objectif de développement durable (ODD) numéro 4 à l’horizon 2030. En 2015, les avancées faites ont été mesurées, avec un avis « peut mieux faire » pour l’Afrique. Un jugement contesté, dans la mesure où des pays comme le Mali et le Niger partaient d’un niveau très bas.
Les dix pays d’Afrique ayant réussi à scolariser plus de 90% de leurs enfants sur la période des OMD, entre 2000 et 2015, étaient le Rwanda, l’Afrique du Sud, la Tunisie, la Zambie, l’Algérie, le Bénin, le Cameroun, le Cap-Vert, le Congo-Brazzaville et Maurice, selon le rapport 2015 sur les OMD.
99% de taux de scolarisation brute au primaire
Où en est-on aujourd’hui ? Tout n’est pas rose, puisque l’accès à l’éducation a été perturbé par la crise Covid-19. Il recule dans les régions du nord du Nigeria frappées par les enlèvements d’élèves perpétrés par Boko Haram. Selon les statistiques de l’Unesco, reprises par les données « Edustat » de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne affiche en 2019 un taux brut de scolarisation au primaire de 99%. Il s’agit du total des inscriptions au primaire en pourcentage de la population scolarisable au même niveau.
La Banque africaine de développement (BAD) met en garde sur la bonne lecture de ce chiffre. Ce qui compte n’est pas le nombre d’inscrits, mais le nombre d’élèves qui se rendent en classe. « Une personne sur trois inscrites dans une école primaire est déscolarisée. Les raisons incluent une entrée tardive, la pauvreté, la mauvaise qualité de l’éducation et un manque de prise de conscience de l’importance de l’école. »
L’achèvement du cycle primaire plafonne à 69% au sud du Sahara
Situé à 70% en 2012, le taux d’achèvement du cycle primaire plafonne toujours à 69% en Afrique subsaharienne en 2019 selon les données de l’Unesco (contre 92% en Inde et dans toute la région Moyen-Orient Afrique du Nord).
Le niveau de l’Afrique subsaharienne, le plus faible du monde, s’explique par « la participation des enfants aux tâches agricoles, le manque d’installations scolaires, le manque d’enseignants et les frais de scolarité » selon l’Unesco, sans oublier les États en conflit dans le Sahel et la Corne de l’Afrique.
Les 16 pays d’Afrique ayant les plus forts taux d’achèvement de l’école primaire (source : Unesco)
Pays Taux Année des données
Égypte 105% 2019
Algérie 101% 2019
Botswana 101% 2013
Kenya 100% 2016
Maurice 99% 2019
Seychelles 99% 2019
Zimbabwe 98% 2013
Rwanda 97% 2019
Maroc 97% 2019
Tunisie 95% 2017
Namibie 94% 2018
Ghana 94% 2018
Eswatini 94% 2018
Af. du Sud 90% 2018
Cap-Vert 87% 2018
Togo 87% 2019
Des efforts faits sur la durée
À l’évidence, les pays d’Afrique du Nord et les nations anglophones se démarquent, de même que des États faiblement peuplés. En Égypte, l’école est obligatoire de 4 à 14 ans, incluant la maternelle et deux années d’école préparatoire avant le lycée. L’achèvement des études primaires est passé de moins de 36% à 93% entre 1979 et 1999, sous la présidence de Hosni Moubarak.
Le Kenya a vu sa courbe d’achèvement du cycle primaire s’envoler entre 1970 (48%) et 1979 (88%) sous l’impulsion du père de la nation, Jomo Kenyatta. Elle a ensuite stagné jusqu’en 2005 (87%), avant de repartir à la hausse à la faveur d’une réforme importante : l’éducation gratuite pour tous au primaire en 2003, puis dans le secondaire en 2008.
Au Botswana, 2,3 millions d’habitants, le gros de l’effort a été fait entre 1977 (47,5% d’achèvement du primaire) et 1987 (96%). L’entrée en activité d’une première mine de diamants en 1971 a permis un investissement massif dans le capital humain. L’école est devenue gratuite dans les années 1980, et les classes ne dépassent pas en moyenne 27 élèves.
Exceptions cap-verdienne et togolaise
En zones lusophone et francophone, le Cap-Vert et le Togo font exception. Au Cap-Vert, la population est de petite taille et ne connaît pas le même essor qu’ailleurs en Afrique de l’Ouest. La scolarisation au primaire, gratuite et obligatoire, est universelle depuis 2001. Les classes sont loin d’être surchargées, puisque le pays dispose d’un instituteur pour 24 élèves en moyenne. Les cantines scolaires, généralisées au primaire, jouent comme un bon moyen de maintenir les élèves en classe. Des réformes de l’enseignement ont permis aux élèves non scolarisés de s’inscrire dans un plan de « la deuxième chance », de faire passer de 80% en 2011 à 87% en 2018 l’achèvement du cycle primaire, avec un taux de redoublement réduit de moitié. Les frais d’inscription ont été progressivement supprimés au collège et au lycée à partir de 2010, en vue d’obtenir dix années de scolarisation universelle en 2020.
Au Togo, où le régime autoritaire du général Eyadéma a contraint les populations au respect des directives étatiques, l’école est obligatoire de 6 à 15 ans. Une politique d’éducation universelle a été lancée sur la période 2014-25 pour répondre aux ODD, et faire en sorte que l’intégralité des populations rurales aient accès à des facilités scolaires.
En revanche, le Sénégal, le Bénin, le Cameroun et la Côte d’Ivoire (61%, 64%, 65% et 79% d’achèvement du primaire en 2019) n’ont pas les réussites scolaires à la hauteur de leurs réputations ou de leur poids économique. La Côte d’Ivoire, notamment, se trouve au même niveau que la Gambie et les Comores.
La qualité de l’enseignement en question
Enfin, ces chiffres n’indiquent que des quantités, et non la qualité de l’enseignement, qui péche encore dans de nombreux pays. « Le tiers environ des élèves après six années de scolarité ne sait pas lire une phrase », note ainsi la BAD. L’Unesco confirme : d’après une évaluation réalisée en 2010 au Cap-Vert, un tiers des élèves arrivant à la fin de l’enseignement de base a un niveau considéré comme faible en portugais.
La qualité pose aussi problème en Égypte, dans la mesure où les instituteurs ont longtemps figuré parmi les fonctionnaires les moins bien payés du pays. Ils gagnent 338 euros par mois en moyenne, après une revalorisation en octobre 2020. Les classes dans le système public étant surchargées ( jusqu’à 180 élèves contre 20 dans les écoles privées ), les deux tiers des élèves prennent des cours particuliers pour pallier le faible niveau de l’enseignement dispensé. Un phénomène qui creuse les inégalités sociales.
Le problème de la qualité de l’éducation n’a cependant rien d’africain. Plus de la moitié de tous les enfants et adolescents du monde n’ont pas le niveau minimal de compétence en lecture et en mathématiques. Ce qui revient pour l’Unesco à une « crise de l’apprentissage » globale.
RFI