Des dizaines de milliers de personnes ont fui la ville de Goma jeudi et vendredi par peur d’une nouvelle éruption du volcan Nyiragongo, et suite à un ordre d’évacuation partiel. Invité de l’édition spéciale de RFI consacrée à la situation, ce samedi matin, le ministre congolais de l’Enseignement supérieur, Muhindo Nzangi, répond aux critiques sur le manque d’anticipation des autorités et la réponse humanitaire apportée.
Sur RFI, les déplacés de la ville de Goma racontent que rien n’était vraiment prévu à leur arrivée dans les différentes localités de la région. Comment réagissez-vous à ces témoignages ?
Muhindo Nzangi : J’étais moi-même sur place pendant ces trois jours et je crois que que l’idée de fond a été dite dans ces témoignages. Il y a eu une débandade terrible, les gens se sont dispersés dans la direction qui leur convenait le mieux. Le dispositif d’anticipation pour accueillir les déplacés, je dois avouer qu’il n’était pas au point, ce qui fait que la population n’a pas pu bénéficier des structures d’accueil qui étaient pré-établies. Ça je dois le reconnaître.
Mais nous avons été sur le terrain, et le défi est énorme. Le volcan n’a pas donné de signes annonciateurs comme cela est le cas habituellement. Avant les éruptions, l’OVG [Observatoire volcanologique de Goma] est toujours informée deux semaines avant, ce qui permet au pouvoir de se préparer pour accueillir les déplacés. Ni une température qui monte, ni des fissures qui se dilatent n’ont été observés. La sismicité était presque normale. Ce qui fait que l’OVG a été surpris, comme tout le monde, de l’éruption volcanique.
Une surprise que vous pointez, mais il y a quand même des inquiétudes autour de la situation humanitaire. Vendredi, le président du Rwanda Paul Kagame, notamment, a appelé à un soutien mondial et urgent face à cette crise humanitaire. On l’entendait aussi dans nos témoignages. Ces inquiétudes sont justifiées aujourd’hui. Est-ce que vous avez quelque chose à en dire ?
Oui. Le gouvernement congolais a dépêché, dès l’éruption, une équipe de sept ministres. J’étais parmi ces ministres. Nous sommes allés aider le gouverneur militaire sur place pour gérer la situation. Comme vous le savez, à ce moment-là, on croyait que l’éruption était passée et que les gens devaient retourner [chez eux]. Donc, nous nous sommes concentrés sur les choses qui étaient urgentes pour les besoins de la population dans la ville.
Ce que je peux vous dire, c’est que l’éruption, par exemple, a coupé pratiquement tout le système d’alimentation en eau, et comme les 3/5e de la ville n’avaient pas d’eau, le gouvernement s’est attelé d’abord à la rétablir. Il y avait aussi des poteaux de courant électrique qui étaient coupés et nous nous sommes attelés à [les] rétablir. Et aujourd’hui, le courant est à 100% opérationnel, l’eau va l’être dans trois à quatre jours.
La route du retour était coupée. Moi-même, j’ai supervisé les travaux pour la réouverture de cette route qui permettrait à la ville d’être réapprovisionnée […]. Et nous nous sommes aussi attelés à enterrer les morts – il y en avait 32 – et à s’occuper des malades. Malheureusement pour nous, le mouvement de lave souterraine a encore une fois augmenté, et ce quartier était en danger imminent. Il a fallu une deuxième opération d’évacuation de la population qui a compliqué la riposte du gouvernement pour aider la population.
Pour le député Lamuka de Goma, Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa [à écouter ci-dessous], il y a eu des alertes tout de même. Vous nous disiez le contraire tout à l’heure, mais pour lui, des alertes ont été lancées. Comment se fait-il qu’elles n’ont peut-être pas été entendues ?
Il y a trois mois, nous étions tous les deux députés. Et moi et le député Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa, nous sommes allés voir le ministre de la Recherche scientifique qui était concerné par la question pour lui parler des problèmes de l’OVG qui étaient des problèmes internes, où les agents contestaient les responsables. Avec Jean-Baptiste Muhindo Kasekwa, nous avons obtenu de ce ministre la nomination d’un nouveau comité de l’OVG qui a organisé les choses.
Mais, malgré [ce qui s’est passé], les instruments de surveillance du volcan étaient tous branchés et les données suivies tout le temps. Je voudrais vous dire que l’OVG, sur le plan technique, était connectée à la surveillance du volcan. La question, c’est le comportement du volcan qui n’a pas donné beaucoup de signes annonciateurs, que ce soit du côté congolais ou du côté rwandais. Comme vous le savez, nous surveillons le volcan. Même le côté rwandais n’a pas été capable d’alerter puisque le volcan était imprévisible.
Pour l’instant, on ne sait toujours pas concrètement ce qu’il en est de cette possible nouvelle éruption. Les populations ont quand même hâte de rentrer. Quelles peuvent être les craintes pour les prochains jours, voire les prochaines semaines ?
Ce matin, l’OVG annonçait que la lave, qui coulait à grande vitesse en dessous de la ville de Goma, donc sur le flanc sud du Nyiragongo, était en train de ralentir. Cela veut dire qu’il est possible que cette lave sèche et ne va pas rentrer en éruption. Mais il faut être prudents parce qu’on parle de probabilités. Si cette tendance – avec la baisse de la sismicité que nous observons depuis deux jours – va dans le même sens, nous croyons que la crise de l’éruption est peut-être derrière nous. Et à ce moment-là, nous nous organisons au gouvernement pour pouvoir contribuer significativement à remettre la population sur la route de Goma. Si l’OVG nous donne le signal que la crise est derrière nous, nous allons essayer de faire en sorte que la population rentre à Goma dans de bonnes conditions, faire en sorte que la riposte que nous allons donner en termes humanitaires soit une riposte qui satisfasse les intérêts de la population.
Comment réagissez-vous aux propos de Rachel Bernard du CICR, sur notre antenne, qui font état de la grande difficulté à venir en aide à ces populations, d’un point de vue humanitaire justement ? Est-ce que vous êtes prêts à assumer votre rôle, comme elle le demande ?
Nous l’assumons depuis le début. Nous avons rencontré Rachel Bernard à Goma, nous avons rassemblé l’ensemble de la communauté humanitaire. Mais les mesures que nous avons prises ensemble pour mener l’action humanitaire ont été perturbées par cette deuxième évacuation qui concernait aussi le personnel qui pouvait nous aider. Donc je crois que, très rapidement, on est en train d’organiser la coordination. Et avec les bonnes nouvelles qui viennent de l’office de surveillance du volcan, nous croyons que très rapidement, on va organiser les choses pour un retour dans la ville de Goma.
RFI