Faire de la Guinée la deuxième économie de l’Afrique de l’ouest : c’est l’objectif du Président Alpha Condé. Il ne cesse d’ailleurs de le répéter à chacune de ses apparitions publiques de ces derniers temps. Mais concrètement, notre pays a-t-il les moyens de concrétiser la vision de son président ?
Ambition ou illusion? C’est l’interrogation qui s’impose à nous face à cette nouvelle rengaine assourdissante du président Condé. Comprenons d’abord ce qu’il veut dire. Concrètement, Alpha Condé nous signifie que l’économie de notre pays quittera bientôt le huitième rang qu’elle occupe dans la sous-région pour atteindre spectaculairement ou logiquement le deuxième, juste après le Nigéria. Waouh !
Concrètement, nous créerons plus de richesse que le Ghana, la Côte d’Ivoire, et même le Sénégal… Concrètement, c’est le niveau de vie du Guinéen qui dépassera ceux de tous ces pays-là. Mais si l’on se hasarde à faire une petite comparaison, à l’heure où nous parlons, selon la Banque Mondiale, le PIB guinéen est un peu moins de 11 milliards de dollars, contre 65 milliards pour le Ghana que nous voulons déclasser à la deuxième position.
La Guinée, deuxième économie ouest-africaine : ambition ou illusion ? Rappelons seulement que sur l’indice de développement humain, avec 0,466 points, nous sommes à la septième position sur 16 pays de la sous-région. C’est-à-dire par exemple, qu’avec 0,514 points, même un Togolais vit mieux qu’un Guinéen.
Au-delà de ces données macroéconomiques, en français facile, être deuxième économie de la sous-région c’est dépasser le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Ce qui est peut-être intéressant dans le souhait exprimé par le numéro un guinéen, c’est l’absence de délai pour sa concrétisation. Dans quelques années, quelques décennies, ou même carrément dans un siècle… Mais « un but est un rêve avec un délai », nous dira Napoléon Hill.
Néanmoins, si vous réfléchissez, vous trouverez qu’occuper le deuxième rang économique de l’Afrique de l’ouest est bien possible. On peut même dépasser le puissant Nigéria avec ses 400 milliards de dollars. Ce n’est pas un abus de langage ni une vue d’esprit. C’est bien possible.
La Chine n’est-elle pas la deuxième puissance économique mondiale ? Elle qui trainait dans la misère il y a encore quelques décennies… La Guinée-équatoriale qui était la risée économique du continent, détient aujourd’hui le 28e PIB africain le plus fort sur 54 pays : 13 milliards de dollars.
Mais l’économie est comme la logique. Il ne suffit pas de penser ou de rêver de la meilleure croissance pour qu’elle se réalise. Ce n’est pas du « Koun FayaKoune ». « L’économie positive n’est pas la pensée positive. », nous dira un auteur. Il faut des actes. Il faut du travail. Il faut surtout de la stabilité. Donc, il faut de la bonne gouvernance.
Dans un pays où le Plan de développement économique et social n’a pas été financé, le minimum sera toujours le manque ou la pénurie. Dans un pays où la corruption s’érige en vertu, l’arbre du profit étatique ne va jamais croître. Dans un pays où l’Etat n’est brave qu’en pillage de fonds, le développement se fera encore attendre. Dans un pays où le secteur privé est piétiné, le chômage se ramifiera sur toutes les dimensions possibles. Dans un pays où presque tout est importé, on dit « Bonjour, l’inflation. »
Deuxième économie ouest-africaine : c’est peut-être possible mais pas en rêve. Comme l’a souligné Michel Rocard, ancien député français, « L’économie ne se change pas par décret. »
Abdourahmane Sénateur Diallo, journaliste, auteur, éditorialiste.