Ce samedi 4 décembre en Gambie, plus de 960 000 électeurs sont appelés à élire leur nouveau président. Un scrutin test pour la démocratie de ce pays d’Afrique de l’Ouest enclavé dans le Sénégal. Il y a cinq ans, en effet, le président Yahya Jammeh avait été battu dans les urnes par Adama Barrow, véritable surprise électorale qui avait mis fin à un régime qualifié de dictatorial. Cette fois-ci, six candidats briguent la magistrature suprême et la campagne a été inédite pour le pays.
Ce jeudi à Banjul, c’est une véritable démonstration de force à laquelle on assiste avec les derniers meetings des candidats, les « méga rally ». Sur quelques kilomètres carrés, ces derniers battent le pavé pour la dernière fois avant la journée de silence électoral, vendredi. Si les candidats sont partis en province en début de campagne, ils sont tous revenus pour cette dernière semaine à Banjul et ce n’est pas un hasard.
« Vous avez près de 70% de la population gambienne qui vit dans les environs de la capitale », explique un politologue gambien. Banjul et sa banlieue peuvent donc faire basculer un scrutin surtout quand il se joue en un seul tour comme c’est le cas pour cette présidentielle. Les candidats n’ont donc pas vraiment le droit à l’erreur et n’ont pas compté leurs heures pour défendre leur projet.
Il faut dire que cette campagne électorale a été historique. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agit de la première totalement libre depuis de nombreuses années, signe que cette élection est d’une importance capitale. « C’est l’élection la plus importante que le pays ait connu jusqu’ici », résume Abdoulaye Saine.
Nous rencontrons le politologue dans un café du centre-ville de la capitale pour une discussion à bâtons rompus sur la campagne, le scrutin et ses enjeux. Un échange qui aurait été impossible il y a encore cinq ans, nous confie-t-il. « Vous imaginez, tenir ces propos en terrasse comme ça dans un café… Il y a cinq ans, même dans sa propre maison, on avait peur de parler. On pensait qu’il y avait toujours quelqu’un qui pouvait vous écouter et vous dénoncer. »
La parole politique s’est libérée
En 2016, Adama Barrow avait fait certaines de ses réunions politiques éclairées aux phares de voiture et il y a cinq ans, Ousainou Darboe, l’opposant historique, était en prison. Désormais, les anciens alliés, tous deux candidats pour leur parti – respectivement le NPP et l’UDP – se répondent par déclarations interposées. Et dans la rue, les Gambiens n’hésitent plus à donner leur préférence.
Au marché de Sérékunda, le plus grand de la capitale, beaucoup assurent qu’ils vont aller voter ce samedi. Pour Sadio Camara, la chose est entendue, sa voix ira pour Barrow. Il le dit sans détour, car pour lui, il faut soutenir les efforts du président en place. Pour Aïda Diane, au contraire, le président n’a pas tenu ses promesses et c’est donc Ousainou Darboe qui aura son vote. Un autre commerçant, Karim, ira voter Mammah Kandeh.
Autant d’avis et d’opinions qui animent les discussions et les émissions politiques à la télévision ou encore à la radio. Le paysage médiatique a totalement été bouleversé ces dernières années, nous explique un journaliste gambien. Un changement qui enthousiasme le politologue Abdoulaye Saine : « Ce climat est totalement nouveau et il y a beaucoup de nouveaux médias. Ce niveau de liberté n’avait pas été vu dans le pays depuis plus de 25 ans. »
Pléthores de médias et autres sites internet ont donc vu le jour. Les journalistes sont désormais partout dans les rues, sur les marchés, en train de faire des interviews au grand jour. Et à la Commission électorale, les correspondants venus de toute la région attendent leurs accréditations.
Un changement qu’a du mal à réaliser Alpha Ousmane Ba. Journaliste guinéen, il est plusieurs fois venu en Gambie sous le précédent régime. Il couvrait d’ailleurs la présidentielle lors de la surprise de 2016 : « C’est plus du tout la même ambiance. À l’époque, il n’y avait quasiment pas de meetings, les gens ne parlaient pas de politique, ils avaient peur de dire des choses. Là, j’ai été tellement surpris. Vous imaginez, maintenant, il y a une école de journalisme à Banjul. C’était totalement inimaginable sous Jammeh. »
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