Trente-neuf #39 mois de #transition politique. Pourquoi faire ?
Une annonce politique qui sonne comme un pavé dans la mare. Si l’adresse du Colonel Doumbouya a levé le doute pour certains, pour d’autres, c’est un hold-up politique qu’il se donne à cœur joie de mener.
Le samedi 30 avril 2022, dans un lieu insolite, Monsieur Doumbouya annonce au peuple guinéen vouloir faire trente-neuf mois de #transition politique dont le dies a quo est fixé au premier mai 2022, et ce, finalement, près de neuf mois de bonus politique après le coup d’État du 5 septembre 2021. Une telle ruse est politiquement dénonciable et démocratiquement malpropre parce qu’en réalité, la transition durera quarante-sept mois, soit quatre ans au total.
Cela équivaut à un quasi-mandat politique auquel les Guinéens n’ont pas librement consenti. Une transition ce n’est pas un mandat politique. Pour rappel, la transition est un « Court passage d’un régime politique à un autre ». Donc, une période intermédiaire avec pour mission de corriger certaines imperfections dans le fonctionnement institutionnel d’un État. Le but d’une transition politique n’est pas de s’éterniser au pouvoir, du moins, lorsque ses acteurs sont épris d’objectivité démocratique.
Admettons que cette transition dure quatre ans, la question que l’on pourrait raisonnablement se poser serait de savoir pourquoi alors faire un coup d’Etat contre un régime illégitime qui était parti pour cinq ans ?
Si la réponse à cette question est simple, sa démonstration l’est moins. Ainsi, Monsieur Doumbouya, disait dans son discours du 30 avril 2022 de s’être sacrifié pour la Guinée. Certes, mais ce sacrifice n’est que politique à tout égard, il n’est démocratique que de façade. Si ce sacrifice n’était que démocratique, cette période transitoire ne durerait pas aussi longtemps.
Il oublie qu’un régime démocratique boitillant est souhaitable à un régime militaire où tout se résout à coup de matraque et au rapport de force en faisant fi aux libertés et aux Droits fondamentaux. La preuve en est qu’il a embastillé aux simples soupçons M. Kassory Fofana et/ou M. Mamadi Diané, en laissant le chef d’orchestre Alpha Condé se la jouer cool comme si de rien n’était. MonsieurDoumbouya se tient comme un samouraï parce que le samouraï, c’est à l’approche du combat qu’il écrit sa stratégie.
Tout ce que le CNRD reproche ou a reproché au régime Condé, est en train de refaire surface dans la vie des Guinéens : la violence institutionnalisée, le viole des jeunes filles dans les quartiers, le sabotage de la justice, etc. À tel point que le CNRD lui-même fait un doigt d’honneur aux Libertés et Droits fondamentaux qu’il s’est lui-même donné pour mission de consolider.
Souvenez-vous de « la justice sera notre boussole » qu’il n’a jamais arrêté de matraquer dans ses discours au tout début de son pouvoir. Résultat des courses, nous nous retrouvons avec des citoyens expropriés de leurs biens sans qu’aucune justice préalable ne soit faite, aucune ! FAIRE D’ABORD UNE JUSTICE PRÉDICTIVE ET ENSUITE ENGAGER UN PROCÈS. Une sorte de Taqiya à peine voilée. Les départements ministériels et les ministres sont vassalisés avec un premier ministre YO-YO faisant de la figuration institutionnelle comme si c’était pour donner corps à la forme bicéphale de l’actuel exécutif.
Un Procureur Général Crocodile avec une très grande gueule mais de très petits bras. Comment un Procureur Général peut-il passer son temps à dénoncer des faits juridiques sans être foutu de citer les fondements juridiques de ces mêmes faits ? À en croire qu’il est un « Procureur Général » près de la Cour d’Appel donc, un professionnel du Droit et de la Justice. Une HONTE.
Tous les jours qui passent pendant cette transition, est un jour de trop dans le développement de ce pays car aucun investisseur averti ne viendra placer son économie dans un pays aussi instable, c’est une réalité.
Tous les jours qui passent pendant cette transition, est un jour de trop volé à l’avenir de la jeunesse, c’est une triste réalité.
Tous les jours qui passent pendant cette transition, est un coup de frein donné à l’élan de ce peuple résiliant et patient. Ceux de ces premiers de cordée, les lève-tôt et les couche-tard. C’est une réalité affligeante.
Finalement, ces trente-neuf mois sont-ils justifiés au regard du chantier à entreprendre ?
À mon sens, la réponse est négative parce qu’ils proposent des activités qui peuvent se faire en quinze mois minimum, voir en vingt mois au maximum. Faisons donc la démonstration point par point du chronogramme proposé par le CNRD, dont il propose les dates et activités suivantes :
- Recensement Général de la population et de l’habitat, seize mois (1er mai 22- 31 août 23)
Cela parait excessivement long. La Guinée selon le dernier recensement en 2020, compte treize millions d’habitants (voir source : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies).Cela implique qu’il y a déjà une base de données existante. Par conséquent, le travail ne sera pas repris de Zéro. Aucun esprit sérieux ne peut prétendre qu’en deux ans d’écart, la population guinéenne a doublé ! Il n’y a donc pas besoin de seize mois pour ce recensement complémentaire, soyons sérieux, 10 mois suffiront largement.Ici, on récupère 6 mois.
- Recensement Administratif à vocation d’État civil, seize mois (1er mai 22- 31 août 23)
Là, je tombe vraiment des nues parce que je pense que c’est un grand n’importe qui nous est raconté ici. Je me demande s’ils n’ont pas fumé au moment de la rédaction de ce document parce qu’un recensement général de la population C’EST un recensement administratif. Pourquoi créer un doublon de tâche administrative alors que l’un équivaut à l’autre, si ce n’est finalement que de gratter du temps politique ? Par conséquent, ce point deux devrait sauter.
- Établissement du fichier électoral, trois mois
Délai que je trouve tout à fait raisonnable.
- Élaboration de la nouvelle constitution, 19 mois (1er mai 22 – 30 novembre 23)
Tout comme la tentative de gagner du temps sur le recensement de la population, il n’est pas sérieux de vouloir consacrer dix-neuf mois pour rédiger une constitution d’une population de treize millions d’habitant. La possibilité d’amender la constitution du 22 mars 2020, tout n’étant pas à jeter aux orties, ne vient même pas à l’esprit des actuels décisionnaires en la matière.
Pour exemple, la constitution française du 4 octobre 1958 fut rédigée en 28 jours alors que la population comptait plus de quarante-quatre millions d’habitants (voir source Le monde). Au vu de l’oisiveté d’esprit de nos dirigeants, 12 mois suffiront d’emblée. Là aussi, 7 mois seront gagnés.
- Organisation du référendum, 2 mois (1er décembre 2023 – 31 janvier 2024)
Pourquoi ne pas coupler le référendum et la présidentielle ? Cela fera gagner en temps et en argent. Là aussi, deux mois seront facilement gagnés.
- Elaboration des textes de lois organiques, 6 mois (01 décembre 2024 – 31 mai 2024)
C’est là où je remarque la plus grande bêtise humaine en ce sens où, au nom du principe de séparation des pouvoirs, seul le pouvoir législatif a ès qualité a voté et a rédigé les lois, à la suite d’un projet de loi ou de proposition de loi. Et ni le CNT, ni le CNRD n’ont ni la légalité, ni la légitimité démocratique de s’atteler à une telle élaboration. Là aussi, 6 mois peuvent être facilement gagnés car cette fonction ne leur revienne pas, c’est à la futur Assemblée élue aux suffrages universelle direct de voter les lois.
- Organisation des élections locales, 4 mois (1er juin 2024 – 31 octobre 2024)
Au vue de l’urgence démocratique, les élections locales peuvent être couplées aux élections législatives. Ce couplage électoral a déjà été organisé par le passé en Guinée, dont le peuple en a déjà fait l’expérience, ce qui rend possible le renouvellement de ce type d’élection. Ainsi l’on est à même de penser que, logiquement, cela ne devrait pas poser de difficultés pour les électeurs et les institutions organisatrices. On aura gagné 2 mois de plus.
- Organisation des élections législative (1e novembre 2024 – 31 décembre 2025)
Cela a été déjà démontré au point 7, les élections législatives et locales peuvent être cumulées.
- Mise en place des institutions nationales, 2 mois (1er janvier 2025 – 28 février 2025)
Je pense que là, c’est la fête de Noël où il faut mettre le cadeau politique au pied du sapin pour le CNRD parce qu’il n’y a vraiment pas lieu de gaspiller deux mois pour la mise en place des institutions du moment où elles figurent déjà dans la constitution, en d’autres termes, elles sont déjà officiellement mises en place. Deux mois de gagnés là aussi.
- Organisation de l’élection Présidentielle, 3 mois(1er janvier 2025 – 31 mars 2025)
Ce délai me semble raisonnable et elle peut être couplée avec le référendum.
In fine, on aura à récupérer 6 mois sur le point 1 et 2 parce que ce point 2 n’a aucune importance après le recensement général de la population ;
7 mois sur le point 2 ;
2 mois sur le point 5 ;
6 mois sur le point 6 ;
2 mois sur le point 7 et 8 ;
2 mois sur le point 9.
Objectivement, on aura gagné facilement et efficacement 19 mois sur 39. Cela reviendrait à 20 mois de transition politique honnête et sérieuse.
Ousmane Madiba GUIRASSY
Élève avocat, école de Barreau de Paris
Juriste diplômé de l’Université de Bordeaux et de Paris 1 Panthéon Sorbonne.
E-mail : mahannafaousma@gmail.com