Autorités et aspirants à l’autorité suprême, personne n’est jamais préoccupé par le très dur train de vie que mène paradoxalement le peuple. Plus la vie devient chère, plus l’indifférence de l’État s’accentue. La rudesse du monde se précise au rythme des années. Plus les jours passent, plus la terre devient dure, plus le vent devient cher, plus l’oxygène s’estompe, plus l’air de la facilité se raréfie. Parallèlement, plus la misère et la dèche se naturalisent guinéennes.
C’est vrai : le monde devient de plus en plus cher. Mais la Guinée monte encore l’étendard de la souffrance au nom d’un continent oublié par la sainteté divine du bonheur. Seuls les pays en guerre vivent moins bien que nous. Tout ça pour vous dire que le train de vie d’un guinéen lambda s’affaisse à un rythme exponentiel. Je souffre énormément, vous souffrez lamentablement, nous souffrons misérablement. Quand je dis « Nous », c’est sans compter les supers Guinéens qui ont choisi de personnaliser le contribuable national, l’essorant avec dédain et amour ; pensant qu’une position privilégiée est un droit de jouissance. Non, je ne parle pas des voleurs que vous appelez « cadres ».
Quand je peins la souffrance culturelle et la culture de la souffrance guinéenne, je fais allusion à nos compatriotes confrontés à l’électrocution du marché ; soumis à l’austérité abdominale ; trainés depuis des années par les adjuvants de la misère, pour être étouffés par le manque de tout ! Je parle de ces Guinéens qui ne savent plus ce que faire de leurs vies, tellement que la souffrance est énorme.
Selon nos propres statistiques, en 2019, 44% des Guinéens vivent en dessous du seuil national de pauvreté qui est estimé à 13 679 GNF par personne et par jour. Par ailleurs, l’économie reste encore en grande partie informelle, avec une part estimée à 41,5% du PIB et 96% des emplois en 2019.
Denrées de première nécessité, éducation, santé, loyer, transport… tout est donc insupportable. Le support de nos vies risque de céder. Mais qui en parle ? Ni l’Etat encore moins quelqu’un d’autre. C’était quand, votre dernière fois d’entendre « pouvoir d’achat des Guinéens » dans un discours d’un homme d’Etat guinéen ? Qui vous a présenté son visage de compassion pour toute cette boue de misère que nous traversons avec un espoir de sauvetage maigre ?
Notre souffrance qui se décuple au fil des années n’intéresse personne, en tout cas pas ceux à qui Dieu a confié les commandes de notre pays. L’Etat guinéen est une mangeoire sur le dos de citoyens qui ne mangent pas toujours.
Ici, les prix ont une courbe d’ascension irrévocable. Ils montent tous les jours mais jamais en baisse. Je parle souvent du paradoxe guinéen. Il est connu partout. Voilà par exemple des notes des autorités françaises sur la richesse guinéenne :
« Une façade maritime longue de plus 300 km, un important potentiel hydrologique et agricole, premières réserves mondiales de bauxite avec 25% du stock et 2ème producteur mondial après l’Australie), 3 milliards de tonnes de réserves de fer, 700 tonnes d’or et 30 à 40 millions de tonnes de carats de réserves prouvées de diamants. »
Vous imaginez seulement la valeur monétaire de cette liste ? Et le trésor français conclut par cette phrase : « En dépit de ces atouts, les indicateurs socio-économiques de la Guinée demeurent faibles. »
Chers dirigeants et leaders d’opinion, parlez un peu de notre souffrance. Mettez le sujet au centre des préoccupations et même des débats. Si vous ne le faites pas, vous nous serez éternellement redevables, devant l’histoire d’abord, et devant Dieu !
Abdourahmane Sénateur Diallo, journaliste, auteur, blogueur